> > Récitleboudec > >

 

 

 

 

 

 

Le général LEBOUDEC garde un souvenir précis du 6 Mai et 7 Mai 1954,

qui précéda la chute du camp retranché au cours de laquelle il fut une nouvelle fois blessé.

 

"Je voudrais dire ici, l'amitié qui est née entre ces paras du "6" et la chance que fut pour moi

la rencontre d'une série de frères d'armes, avec lesquels j'allais passer deux années essentielles de ma vie de militaire."

 

 

 

 

"La compagnie de TRAPP paraît tenir dans son secteur tandis que LEPAGE reçoit la première vague d'assaut

que ses maigres effectifs ne lui permettent pas de contenir.

Dans la nuit noire, percée par les lueurs des éclatements,

l'éclair des balles traceuses et l'éclairage des fusées lucioles lancées de très haut par un "Dakota",

je me retrouve aux côtés de Datin, lui aussi blessé et sans commandement,

en train de faire le coup de feu sur des silhouettes entraperçues.

Un viêt, un gamin sans doute chargé d'un explosif pour détruire nos barbelés,

se trouve maintenant désarmé face à face avec DATIN et le supplie " Pas tuer, chep, tuer".

J'ignorerai toujours son sort car je viens de recevoir un éclat dans le mollet droit et suis quelque peu choqué.

Lorsque j'ai un peu récupéré, je me retrouve seul et j'entends les viêts qui parlent dans la tranchée voisine

où se trouvaient auparavant les éléments de la compagnie LEPAGE.

Aussi discrètement que possible je me déplace vers l'ancien abri du P.C de Bataillon,

récupère une musette de grenades mise de côté les jours précédents et me retrouve avec deux sous-officiers

gardes de corps de BIGEARD, CRUZILLE et DECUPPER.

 

 

 

 

Ce dernier retrouvé par hasard quarante ans plus tard me racontera qu'ayant vu ma pâleur à la lueur des éclatements,

il m'avait offert son bidon dans lequel il avait mis un peu d'alcool et que j'avais séché ledit bidon.

Nous sommes maintenant trois à tourner dans les tranchées du point d'appui,

évitant les Viêts que nous entendons parler dans diverses directions voyant qu'ils se tiennent dans nos tranchées

qu'ils viennent de conquérir, je décide de sortir des boyaux et en rampant de m'approcher des tranchées où

sont les viêts et de laisser tomber mes grenades.

J'ai perdu DATIN blessé lui aussi une fois de plus qui a reçu un gros éclat au-dessus du poumon.

A côté de moi c'est CRUZILLE qui vient d'être touché au ventre et qui veut que je lui donne ma lampe de poche

pour voir s'il ne perd pas ses tripes.

Les heures passent, nos munitions sont épuisées et nous sommes toujours couchés à l'extérieur des tranchées.

Ne voulant pas être surpris par le jour dans cette position. Je décide de faire mouvement vers TRAPP.

En traversant un abri abandonné nous trouvons un petit stock de grenades et une boîte de " Vinogel",

l'infâme bibine qu'on nous parachutait en guise de boisson.

Faute de mieux nous nous le partageons!

 

De tranchées en abris nous trouvons enfin TRAPP qui a pu résister aux assauts viêts du début de la nuit.

Il est environ trois heures du matin et TRAPP m'indique le nouvel emplacement du P.C du Bataillon.

Nous nous y rendons tous les trois, CRUZILLE toujours persuadé qu'il a le ventre ouvert, DECUPPER et moi.

Le P.C où nous parvenons est une véritable cour des miracles. Les nouveaux blessés de le nuit ses sont agglutinés là,

pensant trouver du secours, je reconnais le radio DUVAL du P.C qui a le crâne en sang.

Ménage, un de mes anciens sous-officiers, grièvement blessés lui aussi...

une quinzaine d'autres plus ou moins touchés, espérant des soins ou des ordres.

Par radio nous apprenons que des renforts sont envoyés vers nous.

Ils s'agit de la compagnie BAILLY du 8e BPC. Malheureusement, en nous cherchant à travers

le dédale de tranchées dont beaucoup sont occupées par les viêts,

BAILLY qui était avec le 6e BPC à Saint-Brieuc lors de sa formation,

est blessé d'une rafale de pistolet-mitrailleur qui lui sectionne presque une jambe au-dessus de la cheville.

La situation évolue peu sur notre point d'appui.

Les viêts font effort pour conquérir les collines et délaissent les points d'appui les plus bas,

ce qui nous donne un certain répit.

Cependant les blessés de la nuit continuent de rejoindre l'abri vite saturé où nous nous trouvons.

Ma jambe blessée est très douloureuse et mon éclat dans le poumon me donne un souffle court.

A mes côtés CRUZILLE réclame encore une lampe électrique en geignant doucement.

Installé sur une sorte de bat flanc en terre, je récupère un peu. A mes pieds, la tranchée est rempli

de morts auxquels plus personne ne prête attention.

 

 

 

Un rapide coup de lampe me fait découvrir parmi eux le visage d'un caporal-chef vietnamien de ma compagnie Laî chu yen

vétéran de toutes les campagnes des dernières années, passant d'un Bataillon au suivant au gré des rapatriements des européens.

Je l'avais particulièrement remarqué car il exercait une sorte d'autorité moral sur les vietnamien de la compagnie,

les petits problème étant réglés sans que les officiers aient à intervenir.

Le temps s'écoule sans que nous en ayons conscience. Nous essayons de suivre l'évolution des combats

sur les autres points d'appui sans grands résultats. LEPAGE a lui aussi rejoint notre abri avec quelques hommes

de sa compagnie. L'atmosphère devient irrespirable et l'attente inutile, sans espoir est vraiment intenable.

Je décide de sortir en demandant à ceux qui sont en état de me suivre de le faire.

La nuit se fait moins noire et, sortant des tranchées qui paraissent toutes occupées par les vîets,

nous lançons les grenades que nous avons pu trouver chaque fois que nous décelons un de leurs attroupement.

Dans un suprême effort, les viets ont arraché les derniers points d'appui, un à un.

Nous étions maintenant au contact, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Tous résistance organisée à l'Est du camp retranché était submergée.

Sur ELIANE10, le "6" n'existait plus que sous la forme de quelques groupes cherchant à

se raccrocher à un gradé. Derniers combats désespérés, derniers morts...

Dans la nuit du 6 au 7, le lieutenant Samalens, ancien de la campagne d'Italie a été tué.

Le 7 au matin, nous avons été chassé d'ELIANE 10 et nous avons essayé de rejoindre des éléments

qui se trouvaient plus au sud.

Personne ne savait ce qui se passait. J'ai trouvé le P.C de Thomas envahi de blessés et de morts.

Le sergent-chef Ménage était là, blessé à la jambe gauche par

l'explosion d'une grenade qui venait de tuer son tireur FM,

le Caporal Lay, le radio Duval avait le crâne défoncé. Dans le fond de la tranchée,

on piétinait sans même s'en rendre compte, le corps d'un de mes caporaux, Lai Chu Yen.

C'était intenable de rester dans ce trou . Je suis ressorti et c'est là que j'ai été touché pour la quatrième fois .

Une grenade m'a déchiqueté l'avant-bras. Aidé de Boh, un de mes paras de Saint-Brieuc, je me suis traîne

jusqu'à l'antenne chirurgicale de docteur Gindrey. Le malheureux était complètement épuisé.

Depuis plusieurs jours et surtout plusieurs nuits, il éxaminait, diagnostiquait, réanimait,soignait, opérait.

Qui dira l'abnégation sans limite de ces jeunes médecins dans les abris souterrains de DBP ?

Dans un dernier effort Gindrey a tout de même trouvé le force de m'opérer.

Merci Gindrey...

 

Dans les toutes dernièrs heures, le lieutenant Corbineau a été tué et Trapp et blessé.

La capture est devenue inéluctable. Le "6" n'avait plus de combattants.

DIEN BIEN PHU tomba...

 

 

 

 

 

J'ai eu la chance de rencontré le général à Bayonne il y a quelques années et de le rappeler quelques fois au téléphone.

Il m'a parlé longuement de mon oncle avec beaucoup d'émotion et aussi des missions faites avec lui, avec toujours pleins de détails.

Merci mon Général de m'avoir reçu et parler de mon oncle.

> >
LIVRE D'OR

 



Créer un site
Créer un site